ARISTOTE: LA POETIQUE (Chapitre 19)

Publié le par athenes-nouvelle.over-blog.com

CHAPITRE XIX
De la pensée et de l'élocution.

I. Nous nous sommes expliqué déjà sur les autres parties, et il ne nous reste plus à parler que de l'élocution et de la pensée.
II. Ce qui concerne la pensée sera placé dans les livres de la Rhétorique (90), car c'est une matière qui appartient plutôt à cet art.
III. A la pensée se rattachent tous les effets qui doivent être mis en oeuvre par la parole. On y distingue le fait de démontrer, celui de réfuter et le fait de mettre en oeuvre les passions, comme la pitié, la crainte, la colère et leurs analogues et, de plus, la grandeur et la petitesse (91).
IV. Il est évident qu'il faut aussi faire usage des faits, d'après les mêmes vues, lorsqu'il y a nécessité de produire des effets propres à exciter la pitié ou la terreur, des effets imposants ou vraisemblables. La seule différence, c'est que l'on doit faire paraître les uns (92) indépendamment de la mise en scène, et produire les autres (93) dans le discours du personnage qui parle et qu'ils doivent s'accomplir grâce à sa parole ; car à quoi se réduirait l'action du personnage qui parle si les faits devaient plaire par eux-mêmes, et non par l'enchaînement du discours? Il y a encore, par rapport à l'expression, une autre partie à considérer, c'est celle des figures; mais elle regarde principalement les maîtres de la déclamation: car c'est à eux de savoir avec quel ton et quel geste on ordonne, on prie, on raconte, on menace, on interroge; on répond, etc. Qu'un poète sache ou ignore cette partie, on ne peut pas lui en faire un crime. Qui eut reprocher à Homère, comme l'a fait Protagore; d'avoir commandé, au lieu de prier, lorsqu'il a dit: «Muse, chante la colère du fils de Pélée?» Car, dit-il, commander, c'est ordonner de faire quelque chose ou le défendre. Nous ne répondrons point à cette critique, qui ne regarde point la poésie.
I. Parmi les choses qui se rapportent à l'élocution. il y en a une catégorie qui rentre dans la théorie actuelle; ce sont les formes d'élocution dont la connaissance appartient et à l'hypocritique et à celui à qui incombe ce genre d'exécution (94). Telle est la question de savoir qu'est-ce que le commandement, la prière, le récit, la menace et leurs analogues.
II. En effet, la connaissance ou l'ignorance de ces moyens ne donne lieu de porter contre la poétique aucun reproche sérieux. Qui supposerait qu'il y a une faute dans ce fait critiqué par Protagoras que le Poète (95), pensant exprimer une prière, fait une injonction lorsqu'il dit :
Chante, déesse, la colère... ?
Ordonner, allègue-t-il, de faire ou de ne pas faire une chose, c'est une injonction. Laissons donc de côté cette considération comme étant du ressort non de la poétique, mais d'un autre art.

 

90) ) Livre III.

(91) Le fait de grandir et de diminuer l'importance des faits.

(92) Les effets oratoires.

(93) Les effets dramatiques.

(94) Il s'agit sans doute ici de l'art de déclamer et de régler le ton et le jeu des acteurs.

(95) Homère (Iliade, vers 1J.

Publié dans Aristotélisme

Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article